Condorcet en débatsQuelle liberté chérissons-nous?

Postée le : 06 octobre 2021
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Quelle liberté chérissons-nous ?

Patrice DECORMEILLE

Comme il est triste de constater à quel point le beau mot de liberté est aujourd’hui galvaudé ! Il semble désormais d’usage de ravaler la liberté au rang d’une simple impulsion égoïste, irréfléchie et aveugle. Quel outrage à la notion dont on dit pourtant qu’elle nous est chérie ! Quel triple camouflet à Descartes, Rousseau et Condorcet dont pourtant nous nous réclamons !

Il est trop clair que cette conception très réductrice ne correspond aucunement au sens que notre devise républicaine donne à la liberté quand elle l’associe à l’égalité et à la fraternité. Cette liberté-là, c’est la liberté de tous ; elle n’est ma liberté que lorsqu’elle s’accorde à la liberté de tous. C’est la liberté du citoyen qui voit plus haut que sa petite jouissance immédiate et qui écoute sa raison quand elle lui dicte de se hausser à la considération des règles communes qui ménagent le bien commun, un bien qu’il ne désire pas moins que les autres et dont il est lui aussi, pas moins que les autres, le bénéficiaire.

Les faux libéraux qui crient aujourd’hui à la dictature dès que la moindre contrainte pèse sur nos appétences sont ceux-là mêmes qui ont corrompu le sens de la liberté en la dirigeant –néo-libéralisme oblige- vers cette fièvre consommatrice qui nous pousse à nous jeter sur tout produit procurant un plaisir immédiat. Mais qui ne voit la différence entre cette conception abâtardie de la liberté réduite à la quête irréfléchie d’un plaisir qui nous plonge dans une économie de la pulsion et cette autre liberté qui nous ouvre à ce que l’on veut vraiment, profondément, parce que la raison nous montre en clair qu’on y emprunte un vrai chemin d’émancipation, tant individuelle que collective ?

C’est la liberté dont Rousseau nous a donné le modèle et qui donne un nouveau souffle à la notion, la liberté qui s’énonce dans ces lignes impérissables du Contrat Social : l’impulsion du seul appétit est esclavage, l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté.